Sintonia - Audrey Pleynet

 
C'est plus que du worldbuilding

En un peu moins de 10 ans, Audrey Pleynet s'est affirmée comme l'une des plus belles plumes de SF françaises. Tout a commencé par son recueil autoédité Ellipses (merci à Apophis de nous l'avoir fait découvrir), et en parallèle, elle a répondu à de nombreux appels à texte, ce qui lui a permis d'être publiée dans de nombreuses anthologies. En 2022, la consécration arrive avec pour la première fois une de ses nouvelles au sommaire de la revue Bifrost - chose réitérée en 2024 - avant de se voir ouvrir les portes de la prestigieuse collection Une-Heure-Lumière avec son excellente novella Rossignol saluée par le public et auréolée du prix des Utopiales. C'est donc tout naturellement que les Editions du Bélial ont publié son premier roman de SF : Sintonia.

Quel chemin parcouru pour cette autrice multicarte qui déploie toute son imagination dans le large spectre de la SF - du steampunk au space opera, du cyberpunk au post-apo - avec des textes ciselés, des idées novatrices et des univers bien à elle. Elle est sans conteste l'une des reines du worldbuilding et Sintonia en est, si ce n'est l'aboutissement, un exemple frappant.

Lire Sintonia est une expérience immersive, d'autant plus belle si vous ne connaissez que peu ou prou les grandes lignes de l'histoire. Audrey Pleynet vous plonge la tête la première dans ce futur pas si lointain où la géopolitique terrienne est bien différente de celle que nous connaissons. Bienvenue dans l'ère des villes-tiges et des villes-bulles, des cités-Etats où l'humanité se déploie grâce à l'essor des nanotechnologies. Venise, cité pionnière, et de ce fait influente, est le théâtre d'affrontements entre les différentes guildes qui la composent. La lignée séculaire des Sintonia se voit anéantie le temps d'une soirée et avec elle le Diapason, ce contrôle mental sur plusieurs générations rendu possible par la présence d'une nanite dans leur Sang. Seules quatre sœurs vont échapper au massacre et c'est par leurs yeux que l'on va découvrir ce monde futur.

Audrey Pleynet ne nous facilite pas la tâche. Les clefs de compréhension sont disséminées le long des premiers chapitres, grâce à des descriptions minutieuses, une ambiance incroyable, une technologie innovante à la fois obscure et accessible, le tout porté par quatre héroïnes, quatre sœurs si semblables et si différentes, chacune ayant ses aspirations et ses espoirs. Si l'intrigue est très classique - une histoire de vengeance comme on en voit souvent (et c'est le seul bémol du roman !) - elle est compensée par un worldbulding exceptionnel, inventif, précis et intelligent où chaque évènement s'explique, où aucune séquence n'est anodine, où tout est lié et rien n'est laissé au hasard : un petit bijou de construction.

Mais Sintonia n'est pas qu'un décor, c'est aussi une œuvre résolument féministe, une ode à la liberté et une réflexion sur les grandes thématiques du monde que sont la croyance, la science, la politique et la technologie.

Avec Sintonia, Audrey Pleynet fait du Audrey Pleynet, c'est-à-dire qu'une fois de plus elle nous surprend par son inventivité, par sa capacité à se renouveler et à créer des futurs plus ou moins enviables, par le soin mis à construire son univers et à développer une ambiance unique, par ses personnages multiples et diversifiés... et on lui pardonnera une intrigue un peu trop évanescente.

Sintonia s'impose sans conteste comme un grand texte de SF que l'on attendait de l'autrice.




Commentaires

  1. C'est gentil de me citer Yogo, mais je ne suis pas le premier à avoir chroniqué le recueil Ellipses (cet honneur revenant, je crois, à Feydrautha). En revanche, il me semble être le premier blogueur SFF "connu" à avoir parlé de Citoyen+, en 2018.

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  2. Les grandes lignées familiales ça a l'air de faire des bases solides pour de bons livres, non ? (coucou Alastair Reynolds)

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