Bifrost 107 - Spécial Fictions


Il aura fallu attendre le numéro 107 de la revue Bifrost pour qu'elle soit à l'honneur dans Les Lectures du Maki. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Je ne suis pas un fan absolu des revues en général, plus par habitude que par raison. Mais comme il n'y a que les Makis qui ne changent pas d'avis, la parution de cet opus estival Spécial Fictions m'a fait sauter le pas, non seulement en achetant ce numéro mais en m'abonnant pour les suivants.

J'ai commencé ce numéro par la dernière page This is the end sur laquelle se trouvent les remerciements entourés de quelques notes d'humour, avant de découvrir l'interview de Gwennaël Gaffric dans Parole de traducteur. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il est l'un des rares traducteurs sino-français et un ambassadeur émérite de l'Empire du milieu. Interview très intéressante qui nous fait découvrir un passionné.

J'ai poursuivi ma lecture par Les échos du milieu qui nous liste entre autres les lauréats de quelques prix littéraires, avant de voir Thomas Day dézinguer à tout va dans Le coin des revues, puis Fabrice Chemla et Roland Lehoucq,dans Scientifiction, nous donner un cours lumineux sur ce que peut être la Protomolécule de la série The Expanse.

Avant de m'attaquer aux six nouvelles de ce numéro, j'ai parcouru Objectif Runes qui revient sur une trentaine de livres parus dernièrement, ce qui m'a permis d'ajouter Les Imparfaits d'Ewoud Kieft à ma longue liste de romans à lire.

Quelques mots sur les six nouvelles.
  • Deux vérités, un mensonge de Sarah Pinsker
Je ne connaissais pas l'autrice, je n'en avais jamais entendu parler. Deux vérités, un mensonge est le texte le plus long de la revue et le seul qui ne relève pas de la SF. Il oscille entre fantastique et weird avec un petit côté Stephen King.

Une jeune femme revient dans sa ville natale et recontacte un ancien camarade de classe qui vient de perdre son frère. Elle lui propose son aide pour vider la maison du défunt. L'occasion pour elle de se souvenir de son enfance et plus particulièrement d'une émission de télé très étrange à laquelle elle a participé. Chemin faisant elle découvre la réalité qu'elle se cache depuis des années.

L'écriture est fluide, la plume agréable, les pages se tournent d'elles-mêmes mais je n'ai pas vraiment accroché à l'histoire et je ne suis même pas sûr d'avoir bien compris où l'autrice voulait nous emmener.

  • Après les âges sombres de Jean-Marc Ligny
De l'auteur, je n'avais lu jusqu'ici que Aqua™ qui m'avait laissé un goût amer à cause d'une place trop importante accorder au vaudouisme, ainsi qu'une nouvelle parue dans l'anthologie Nos Futurs qui m'avait plus enthousiasmé. 

Daniel vit reclus depuis plus de dix ans au coeur des ruines d'une mégalopole, à l'ombre d'une immense tour rouge qui risque de s'effondrer à tout moment. Seul depuis le départ de sa "tribu", il vit chichement, entouré d'animaux sauvages, cultivant son petit jardin qui lui permet de survivre, jusqu'au jour où il voit son quotidien bouleversé par une arrivée inattendue. 

Cette courte nouvelle est excellente. En quelques pages, Jean-Marc Ligny nous plonge dans son univers post-apocalyptique très noir. L'histoire simple d'un rescapé des Ages sombres navigue entre l'optimisme et le pessimisme, entre la Nature et l'Homme. Un très beau texte.

La lecture de ce texte donne envie de se plonger dans son recueil Dix légendes des Ages sombres paru chez L'Atalante il y a quelques mois.

  • Les cinq éléments de l'esprit du coeur de Ken Liu
On ne présente plus l'auteur sino-américain que les éditions du Bélial nous ont fait découvrir. Tout en sciences et en poésie, ses écrits sont généralement excellents. Cette nouvelle n'échappe à la règle.

Après l'explosion de son vaisseau spatial, Tyra se retrouve seule survivante à la dérive dans sa capsule de sauvetage. Enfin pas tout à fait seule, elle a comme compagnon de route une IA pour la guider et l'aider. Les secours n'arrivant pas, Tyra réalise un dernier "saut" vers un système proche espérant trouver une terre habitable. Elle s'écrase sur une planète où vivent des descendants humains arrivés il y a plusieurs siècles. 

Entre Sciences et superstitions, Ken Liu promène son héroïne et le lecteur jusqu'à ce que tout s'imbrique. Impressionnant, original et rondement mené, encore une nouvelle de grande qualité. 

Nous attendons avec impatience un troisième volume des nouvelles de l'auteur (en espérant que cela soit dans les cartons !)

  • Ombres de Ketty Steward
Cette nouvelle est l'occasion de découvrir l'une des facettes de l'autrice que je n'ai jamais lue ailleurs que sur twitter ! Ombres est la plus courte nouvelle du lot, un récit dystopique, cyberpunk très visuel et très immersif. Ketty Steward arrive à nous projeter dans son univers en quelques lignes. 

Texte féministe sur le pouvoir, Ombres a le défaut de sa qualité : très engagé, trop (pour moi) probablement, il tombe dans le militantisme forcené desservant les propos qu'il défend. 

  • Sarcophage de Ray Nayler
Le Bélial nous fait découvrir, encore une fois, un nouvel auteur. Sarcophage est le deuxième texte à être traduit en France et publié dans Bifrost.

Un homme seul survivant sur une planète hostile se dépasse pour survivre et atteindre une base susceptible de lui sauver la vie. On suit ses déambulations, ses questionnements et ses découvertes.

Dans la lignée de Ken Liu et de Rich Larson, Nay Rayler nous propose une nouvelle immersive et poétique, il met en lumière l'adage selon lequel tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Le seul bémol reste le final qui m'a laissé plus de questions que donné de réponses.

  • Encore cinq ans d'Audrey Pleynet
Depuis la lecture d'Ellipses son recueil de nouvelles, je suis avec attention le parcours d'Audrey Pleynet. Ces textes sont souvent ambitieux et regorgent d'idées. Celui-ci ne fait pas exception à la règle bien au contraire. 

2078, la Terre se meurt : bouleversement climatique, surpopulation, manque de ressources. Les dirigeants du monde peinent à trouver une solution jusqu'à ce que le Congrès mette en œuvre une solution radicale. S'ensuivent sept siècles de l'histoire de l'humanité...

Eblouissant, époustouflant ce texte donne le vertige par la solution envisagée et ses retombées. Texte aussi grandiose que militant, Encore cinq ans, ne peut que vous émerveiller et vous faire réfléchir sur notre avenir.


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