Lady Chevy - John Woods

Au coeur de l'Amérique suprémaciste


Après Lorsque le dernier arbre de Michael Christie et Underground Railroads de Colson Whitehead, je continue ma découverte de la collection Terres d'Amérique d'Albin Michel avec le premier roman de John Woods : Lady Chevy.

Au coeur de l'Ohio, dans la cité de Barnsville, Amy "Chevy" Wirkner une lycéenne en surpoids, souffre-douleur de ses petits camarades, rêve de quitter sa ville, d'obtenir une bourse et de devenir vétérinaire. Tout le monde n'a pas la chance d'être né sous une bonne étoile, entre son père insignifiant, sa mère qui traine dans les bars, son grand-père leader du Ku Klux Klan ou son oncle Tom suprémaciste surarmé et paranoïaque, la vie d'Amy est loin d'être de toute tranquillité. D'autant que les terres sur laquelle elle vit avec sa famille ont été louées à une société minière qui extrait le gaz de schiste, polluant l'eau et l'air de toute la région. Seul rayon de soleil dans sa vie, Paul, un môme aussi perdu qu'elle dont elle est amoureuse. Quand il l'embrigade pour faire sauter une partie des installations minières, la vie d'Amy bascule, l'entrainant dans un puits sans fond. Elle devra faire abstraction de toute morale pour espérer vivre ses rêves d'un avenir meilleur.

A Barnsville, au début du XXIème siècle, personne ne se reconnait dans ce président noir fraichement élu. Dans cette petite bourgade pro-armes, raciste, magnifiant un passé révolu, la majeure partie de la population est enfermée dans ses idéaux suprémacistes. A travers une galerie de personnages, John Woods dépeint sans concession le portrait de l'Amérique profonde d'aujourd'hui, cette Amérique blanche qui ne comprend pas les changements du monde actuel, cette Amérique pauvre et délaissée.

Derrière un fond écolo, John Woods signe un thriller à la morale douteuse. On ne peut qu'avoir de l'empathie pour cette gamine surdouée, élevée dans une atmosphère morbide qui sur un choix malheureux voit son avenir déjà pas très rose encore s'assombrir. Et en même temps, la répulsion nous gagne quand elle fait certains choix pour sa survie quitte à franchir les limites et les lois. L'auteur ne tombe pas dans le manichéisme, bien au contraire tout est en nuance, chacun de ses personnages a sa part d'ombre, à moins qu'il n'y ait aucune lumière pour personne, aucun espoir.

John Woods avec Lady Chevy signe un premier roman audacieux et dérangeant, d'une noirceur absolue qui remet en cause les notions de bien et de mal, un récit pessimiste où seules la violence et la haine sont les moteurs de demain.


Commentaires

  1. J'ai lu pas mal de romans américains de ce genre où le désespoir suinte de partout et pousse dans la noirceur. c'est toujours marquant. Je me le note, mais pour un moment où je peux encaisser ça!

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    1. Marquant c'est vraiment le mot. Je ne suis pas prêt d'oublier Amy "Chevy" Wirkner !

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  2. Ah oui, tu n'avais pas menti, ça a l'air joyeux. 🙈 Je l'ajoute à ma liste de "Terres d'Amérique" quand même hein, bien sûr.

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    1. Tu peux, il est dans la lignée de la collection. Une lecture indispensable.

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  3. Je viens de finir ce livre! Remarquable, personnages étonnants. Reste en suspens la "morale" ou les thèses, si thèses il y a, développées par l'auteur. Pas évidentes. En tous cas, à lire absolument en restant vigilant.

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    1. Il me semble que l'auteur nous narre juste la triste réalité d'une partie de l'Amérique profonde, un peu désœuvrée.

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