La meilleure version de soi-même
Sarah Pinsker, autrice américaine de science-fiction et de fantasy, est une figure majeure outre-Atlantique, couronnée de multiples récompenses. Pourtant, en France, son œuvre reste confidentielle : seules deux de ses nouvelles avaient été traduites jusqu’ici, Une greffe à deux voies, parue dans la revue Angle Mort, et Deux vérités, un mensonge publiée dans Bifrost. Grâce à un financement participatif et à l’enthousiasme de Julien Wacquez, sa novella Et il n’en resta plus que (n-1) est enfin accessible aux lecteurs francophones.
L’idée de départ est aussi audacieuse qu’intrigante : Sarah Pinsker nous raconte l’histoire du meurtre de Sarah Pinsker par une autre Sarah Pinsker. L'enquête est menée par une nouvelle Sarah Pinsker, elle-même perdue au milieu d’une centaine de Sarah Pinsker... Toutes, venues d’innombrables strates du multivers, assistent à la convention des variantes d’elles-mêmes dans un hôtel isolé sur une île coupée du monde.
Si le pitch peut sembler complexe, le récit se déploie avec une limpidité et une précision remarquables. Sarah Pinsker parvient à donner une identité distincte à chaque variante, tout en jouant sur leurs similitudes. L’intrigue, d’une simplicité trompeuse, rappelle les meilleurs romans d'Agatha Christie : un mystère en apparence classique qui se révèle bien plus subtil dans sa résolution. Le dénouement, à la fois inattendu et implacable, achève de convaincre.
Mais la force de Et il n’en resta plus que (n-1) réside surtout dans sa dimension philosophique. À travers les choix, délibérés ou non, de ses personnages, Sarah Pinsker nous interroge sur les conséquences de nos décisions quotidiennes. Chaque bifurcation, chaque hésitation, dessine une réalité alternative, une version différente de soi-même.
Original, drôle et profondément intelligent, ce texte joue avec les codes de la SF, de l’uchronie personnelle et du polar. Un Agatha Christie dans le multivers ou la quête de la meilleure version de soi-même.

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