Ohio - Stephen Markley

 
Peinture de l'Amérique profonde

La collection Terres d'Amérique secoue régulièrement son lectorat surtout quand elle parle de l'Amérique profonde, de ses citoyens en marge de la société livrés à eux-mêmes. On se souviendra de Lady Chevy de John Woods ou d'Arpenter la nuit de Leila Mottley qui nous plongeaient dans les affres de ces gens qui ne sont rien. Stephen Markley avec son premier roman Ohio suit les traces de ses illustres prédécesseurs en poussant les curseurs bien plus loin, au-delà de l'entendement.

Ohio roman choral qui se déroule une dizaine d'années après les attentats du 11 septembre, quand des adolescents d'autrefois aujourd'hui trentenaires reviennent le même jour dans leur petite ville de New Canaan au coeur de l'Ohio, animés chacun et chacune par des motivations fort différentes.

Après un prologue pesant où l'on assiste à la parade funéraire de Rick, un jeune citoyen de New Canaan mort en Irak, s'ensuivent quatre longs chapitres, autour de quatre amis d'enfance de Rick qui n'étaient pas venus à son enterrement. Quatre longs portraits aussi précis que ciselés qui nous plongent dans la décadence de cette Amérique du XXIème siècle. Tout d'abord Bill, antimilitariste et révolté devenu junkie qui revient à New Canaan pour livrer un mystérieux paquet. Stacey élevée dans la tradition catholique assume enfin son homosexualité et recherche désespérément son amour de jeunesse disparu depuis de longues années. Dan, vétéran d'Irak où il a perdu un oeil veut lui aussi reprendre contact avec une ancienne petite amie. Tina, la fille jalousée au lycée devenue caissière, revient pour une sombre histoire de vengeance.

Ohio est un petit pavé qui se mérite, un livre ambitieux qui ne laisse que peu de répit au lecteur. Outre les quatre personnages principaux, Stephen Markley nous présente une flopée de personnages secondaires tous plus écorchés les uns que les autres et tous traités avec précision et subtilité sans jamais tomber dans la démesure ou les stéréotypes. Ohio est aussi une peinture de notre époque où le racisme, la violence, la colère et la haine sont les moteurs d'une génération abandonnée par les politiques, le tout sur fond de crise climatique et économique.

Mais c'est dans la construction narrative que l'auteur excelle : alors que l'intrigue tient sur moins d'une journée, il multiplie les flash-back de la période du lycée pour nous immerger dans l'histoire commune de New Canaan tout en multipliant les points de vue, quitte à être contradictoire selon celui ou celle qui nous narre les évènements. Cette narration éclatée, rondement menée, nous amène jusqu'au dénouement final aussi bouleversant que tragique quand tous les éléments parfois diffus s'imbriquent en une seule vérité.

Ohio est une véritable réussite, un roman coup de poing comme il en existe peu, un livre qui une fois terminé restera longtemps ouvert dans votre esprit et dans votre coeur.


Les avis de Just a Word et de TmbM


Commentaires

  1. Quelle collection quand même. Je l'ajoute à mes "Terres d'Amérique" à lire.
    (je n'irai pas vérifier, mais je me demande si je n'ai pas déjà dit ça pour le dernier que tu as lu... voire pour tous les autres 😆)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Les pépites y sont nombreuses... et celui-ci fait partie du haut de gamme.

      Supprimer
  2. Incroyablement abouti dans sa construction et fin dans son analyse de la société, rythmé et mettant en scène des personnages forts et nuancés, ce livre est un premier roman particulièrement réussi. Tout à fait d'accord !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ta conclusion résume parfaitement mon ressenti. J'ai hâte de lire son dernier livre et ses 1000 et quelques pages !

      Supprimer
  3. Mmmh, ça m'intéresse fort ça tout ça, je note le titre dans un coin !

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire