L'île de Silicium - Chen Qiufan

Le désastre écologique de demain

Les éditions Rivages lancent à leur tour une collection dédiée aux mauvais genres, Rivages Imaginaire, qui comprendra trois titres par an. Le premier roman de cette collection, L'Île de Silicium du chinois Chen Qiufan, est traduit par Gwennaël Gaffric, le traducteur entre autres de Liu Cixin.

L'île de Silicium, poubelle technologique du monde moderne, concentre des tonnes de composés électroniques venant du monde entier. Les îliens ainsi que de nombreux migrants, tel Xiaomi, vivent de ces déchets, démontant, désassemblant ceux-ci pour en extraire les différents métaux et plastiques qui les composent. Loin de toutes normes environnementales, l'eau, les sols, et l'air de l'île sont hyper-pollués, rendant les conditions de travail tout simplement inhumaines.

Sur cette île, trois familles, trois clans, se partagent et se disputent le territoire et la gestion des déchets, manne financière pour toute une population. Quand Scott Brandle, un américain, arrive sur l'île avec un projet "vert" : installer une usine automatisée de traitement des déchets, promettant un recyclage plus propre et plus efficace, engendrant moins de pollution et moins d'exploitation humaine, les tensions déjà vives sur l'île ne font que s'accroitre. D'autant plus que l'Etat chinois et l'économie locale ne peuvent se satisfaire de l'implantation sans contrepartie d'une usine américaine sur leur territoire.

L'île de Silicium est un thriller dystopique, cyberpunk et écologique. Chen Qiufan s'est inspiré de la décharge de Guiyu, où se trouve le plus grand centre de recyclage de déchets électroniques du monde, pour nous délivrer son histoire. Il est l'un des premiers auteurs à parler de ce nouveau désastre écologique lié à l'utilisation massive des composés électroniques et de la difficulté à les recycler. 

Outre l'aspect écologique et le cri d'alarme poussé par l'auteur, le roman met en lumière la dualité de la Chine d'aujourd'hui, à la fois enfermée dans sa culture et ses croyances ancestrales tout en étant pragmatique et moderne quand il le faut. Cette ambivalence est également ressentie dans sa relation aux occidentaux, essayant de minimiser les échanges pour sauvegarder son indépendance, tout en les augmentant pour faire tourner l'économie chinoise. 

Chen Qiufan est également très critique envers une Chine à deux vitesses entre les riches au pouvoir et les pauvres au labeur, dénonçant l'exploitation de ses concitoyens et des migrants, pointant un racisme institutionnalisé. Le besoin d'une plus grande liberté ressort de ses écrits et un parfum si ce n'est de révolution mais de changement au sein des nouvelles générations se fait également sentir. Mais l'auteur est surtout très acerbe envers les occidentaux et plus particulièrement les américains, ces arrivistes outranciers qui ne respectent rien.

Après un début plutôt lent où l'auteur présente quelques-uns de ses personnages, l'histoire s'accélère, devient plus addictive mais également plus confuse. Les sauts d'un personnage à l'autre, d'une scène à l'autre sans lien clair, tout comme de trop longues descriptions sans relief, nuisent à l'immersion.

Avec L'Île de Silicum, Chen Qiufan nous présente une Chine en pleine mutation et une Terre au bord d'un nouveau désastre écologique. Ce roman vaut pour la découverte d'une nouvelle plume chinoise et d'un point de vue non occidental sur une crise environnementale majeure à venir mais également pour la découverte d'un pays, de ses coutumes et de certains de ses travers. 




Commentaires

  1. Intéressant tout ça, merci pour la découverte :)

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    1. Pas parfait mais cela ouvre d'autres horizons, c'est à découvrir.

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  2. Ca te fait sérieusement te poser la question de tes propres déchets je trouve.

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    1. Bien d'accord, quand on voit la quantité de câbles, chargeurs et autres appareils que l'on a jeté depuis peu d'années. ca fait peur !

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