Le Choix de Karla - Nick harkaway

 
Un digne héritier

On ne présente plus John Le Carré, maître incontesté du roman d’espionnage, dont l’œuvre a marqué plus d’un demi-siècle de littérature. Avec une vingtaine de romans à son actif, il a façonné un univers où l’ombre et la trahison règnent en maîtres, incarné par son personnage fétiche, George Smiley. Moins connu du grand public, son fils Nick Harkaway, l'auteur entre autres de l'énigmatique Gnomon publié chez Albin Michel Imaginaire, s’est récemment emparé de l’héritage paternel avec Le Choix de Karla où il replonge le lecteur dans l’univers sombre et subtil du "Cirque". Connaître l’univers de Smiley n’est pas indispensable, mais cela permet assurément d’apprécier pleinement les subtilités du Choix de Karla. Nick Harkaway prend son temps dans les premières pages pour installer son décor, retisser les liens entre les personnages, et rappeler (ou faire découvrir) les intrigues passées qui pèsent sur le présent. Cette mise en route, un peu déroutante pour qui aborde la saga Smiley pour la première fois, s’avère en réalité une immersion méthodique dans l’atmosphère de la guerre froide des années 1960.

L’histoire s’amorce autour de Susanna, une jeune assistante d’édition d’origine hongroise, qui se retrouve malgré elle au cœur d’un imbroglio mortel. Un tueur à gages, envoyé pour exécuter Monsieur Banati, son employeur et patron de la maison d’édition, renonce in extremis à sa mission. Mais Banati a disparu, et si Moscou veut sa peau, les services britanniques, eux, aimeraient bien le récupérer avant le KGB. C’est là que le "Cirque" entre en jeu, et que Control, figure emblématique des services secrets britanniques, décide de sortir Smiley de sa retraite.

Nick Harkaway nous plonge dans un monde à la fois proche et étrangement lointain : celui de la guerre froide, où chaque conversation peut cacher un piège, et où la méfiance est une seconde nature. L’époque, avec ses codes, ses tensions et ses non-dits, est parfaitement restituée. L'auteur multiplie les personnages, leurs histoires entrelacées, les lieux charnières, et les références aux intrigues passées de la saga Smiley. Pourtant, loin de perdre son lecteur, l'auteur maîtrise parfaitement son récit. Avec une plume fluide et patiente, il distille les informations au compte-gouttes, prend le temps d’éclairer les zones d’ombre, et construit son histoire brique par brique, comme un espion assemble les pièces d’un puzzle. Une immersion progressive, exigeante mais jamais confuse, où chaque détail compte. Même si l'on ne connait pas parfaitement l'univers de John Le Carré, Nick Harakaway lui le connaît sur le bout des doigts, et il sait nous le faire découvrir sans jamais nous perdre.


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