L'écologie : un business
La Science-Fiction se fait rare en ce début d'année, même chez Albin Michel Imaginaire, où au premier semestre 2025, un seul roman est estampillé Science-Fiction : Poisson Poison du britannique Ned Beauman. Cet auteur, plutôt méconnu en France, a écrit en une quinzaine d'années cinq romans dont deux ont été traduits chez les éditions Joëlle Losfeld avant que son dernier, auréolé du prestigieux prix Arthur C. Clarke, soit publié chez Albin Michel.
Ned Beauman nous plonge dans un avenir proche, dans les années 2030, où la Terre va de plus en plus mal et où les espèces disparaissent à tour de bras. Parmi elles beaucoup d'indispensables aux écosystèmes mais totalement invisibles aux yeux du grand public, ce qui n'était pas le cas du Panda Géant dont le dernier spécimen vivant n'est plus. Suite à ces nombreuses extinctions, et pour endiguer l'hécatombe, a été créé le "crédit-extinction". Copié sur le modèle du crédit-carbone qui était censé limiter les rejets de CO2 dans l'atmosphère par un accompagnement financier, le crédit-extinction s'applique lui au vivant en incitant financièrement les industries, entreprises et états à limiter les actions humaines responsables de la disparition animale. L'auteur détaille avec minutie le système et ses principes de fonctionnement, rendant le sujet très lisible, compréhensible, sans jamais être ennuyeux. Il faut dire qu'avec un sarcasme sans nom et une ironie plus que mordante, Ned Beauman se délecte de décortiquer le système mis en place, d'en trouver les failles pour que les grands exterminateurs puissent continuer à éliminer à tout-va. Bienvenue dans l'écologie business, quand frauder et corrompre sont les seules réponses humaines.
Karin Resaint, une biologiste, spécialiste de l'intelligence animale, a pour mission d'évaluer le degré d'intelligence d'un poisson : le Venomous Lumpsucker. L'aire de reproduction du poisson se trouve au large de la Suède, là où une société indienne veut démarrer de gros travaux d'extraction. Le rapport de la biologiste est donc très attendu. Mark Haylyard est employé par cette société, et s'occupe de tout ce qui touche à l'environnement. Cadre égocentrique et petit arnaqueur, il ne s'intéresse que moyennement aux extinctions animales et "spécule" sur les "crédits-extinction" espérant faire de bonnes affaires. De situations absurdes en rebondissements improbables, ces deux personnages que tout oppose vont devoir faire équipe et parcourir l'Europe pour retrouver des lompes venimeux vivants.
Ned Beauman nous immerge dans un futur sombre mais très différent de celui que nous connaissons géopolitiquement parlant, et il est très difficile de le visualiser et d'y adhérer. A la limite de l'irrationnel, ce monde est trop extravagant pour que l'on puisse y croire. A l'inverse l'idée des "crédits-extinction" est non seulement originale mais aussi terriblement bien amenée avec toutes les dérives pouvant être engendrées. Les personnages, quant à eux, sont des caricatures d'eux-mêmes, l'auteur poussant l'absurdité du monde à son paroxysme ce qui, à mes yeux, dessert l'histoire.
Au final, je ressors mitigé de Poisson Poison : enthousiasmé par le "crédit-extinction", je reste perplexe sur le worldbuilding et devant les aventures rocambolesques des deux protagonistes. Heureusement, le message sur la préservation de notre environnement est clair : toutes les espèces doivent être protégées, il n'y a pas d'espèces anodines et, malheureusement le constat est lui aussi sans appel, l'Humain est une calamité pour la planète.
Vu les autres retours, je ne suis pas très surpris par ton avis mitigé, tu n'es généralement pas très porté sur la fantaisie/loufoquerie. Moi c'est un aspect qui me donne à la fois un peu plus envie de le lire et un peu moins envie de le lire - oui, les deux en même temps. 🙈
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