L'Absence selon Camille - Benjamin Fogel

 
La fin de la Transparence ?

Avec L'Absence selon Camille, Benjamin Fogel clôt la trilogie de la Transparence entamée avec La Transparence selon Irina et poursuivie avec Le Silence selon Manon bien que l'action se déroule presque trente ans plus tôt. Le troisième volet est dans la continuité temporelle du premier opus et intègre tous les personnages et tous les évènements croisés dans les deux précédents romans. Il va sans dire qu'il est préférable, voire indispensable, d'avoir lu les deux premiers opus pour saisir l'ensemble de la réflexion présentée ici et ne pas se sentir perdu face aux innombrables allusions sur les évènements passés.

2060, l'ère du capitalisme est révolue, la Transparence fait foi. Du citoyen lambda au chef d'état, du directeur général à l'employé, tous sont tenus à l'exhibition de leur vie sur les réseaux. Les données personnelles de tout un chacun sont désormais disponibles et accessibles par tous, tout le temps. C'est la fin de la corruption et autres dérapages d'autant plus qu'avec la mise en place du Revenu Universel chacun dispose de moyens financiers suffisants pour "vivre". Seuls quelques contestataires hors-système prônent un retour à l'anonymat. Leur leitmotiv, la transparence est un leurre, malgré elle, on vous ment !

C'est sur ces trois mots on vous ment que Benjamin Fogel construit son intrigue, déroulant un univers dystopique plausible et cohérent, il pousse les curseurs assez loin sans jamais tomber dans l'exagération. Evidement quelques facilités ou raccourcis émaillent le récit mais cela reste à la marge et n'enlève rien au propos. Il évite, comme je le soulignais déjà dans le précédent roman, tout manichéisme primaire. Cela se ressent surtout au niveau de ses multiples personnages, aucun d'entre eux n'est irréprochable, chacun a ses convictions mais face à la réalité, le choix de la raison n'est pas forcément celui du coeur. Ces différents portraits plus vrais que nature sont la vraie réussite du roman.

La construction du récit, avec des chapitres courts et une alternance des points de vue, participe à la réflexion, l'auteur ne s'arrêtant jamais à une idée, la contrebalançant aussitôt par une opinion contradictoire. L'absence selon Camille, bien qu'étant le livre le plus romanesque de la trilogie, est celui qui apporte le plus de questions et de réflexions sur nos sociétés modernes, tout en mettant en avant notre schizophrénie entre le désir d'un état plus coercitif et l'envie d'une plus grande liberté.

Le petit plus étant l'imbrication des trois romans l'un dans l'autre, permettant d'avoir un angle nouveau sur les évènements passés, de découvrir ou redécouvrir certaines scènes et d'en appréhender l'essence même. Une très grande réussite qui n'est pas sans rappeler les écrits d'Emily St John Mandel. Les similitudes sont nombreuses entre les deux écrivains (la première étant que j'aime beaucoup les histoires qu'ils nous narrent !).


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Commentaires

  1. "qui n'est pas sans rappeler les écrits d'Emily St John Mandel" : ah bah voilà pourquoi je n'arrive pas à être tenté malgré tes éloges, tout s'explique. 😆

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    1. Oh c'est moche... mais peut être qu'un jour tu te laisseras tenter quand même !

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