Les Affamés - Silène Edgar

Résister et/ou Plier

Silène Edgar est connue comme autrice jeunesse. Je n'avais lu d'elle que Fortune Cookies, un roman qui m'avait profondément marqué, je me souviens d'une belle plume et d'un récit intelligent. Plus récemment, j'ai découvert une autre facette de l'autrice dans l'anthologie Dimension Technoscience @venir. C'est donc tout naturellement que je me suis intéressé à son dernier roman Les Affamés : une dystopie autour de la liberté d'expression. Quand les Editions J'ai Lu m'ont proposé de le lire, je me suis empressé d'accepter.

Les Affamés est un roman très court mais dense. L'autrice aborde de nombreux sujets, le récit ne suit pas forcement la ligne qu'on attend et si vous voulez garder un maximum de surprises, je vous conseille de ne lire la préface de Pierre Bordage qu’une fois le roman terminé.

Quelques mots sur l'histoire. Dans un futur proche, on assiste à la naissance d'une révolution verte. Ecologie et bien-être au coeur de notre démocratie. Un semblant d'utopie voit le jour... mais rapidement les travers humains reprennent le dessus et des différenciations ont lieu selon le degré d'Utilité. Charles, écrivain à succès, est un privilégié : il fait partie des citoyens Utiles de classe 5, ce qui lui permet à lui et ses proches une vie confortable, des crédits illimités à la consommation ainsi que le droit à tous les excès. Cependant son statut est sur le point d'être remis en cause. Le nombre d'écrivains et de livres autorisés vont être revus à la baisse. Charles est sur la sellette, ses écrits trop subversifs ne plaisent pas en haut lieu. Sa notoriété lui permet d'avoir une dernière chance afin d'éviter le déclassement...

Les Affamés est un livre politique, écologique, résolument engagé. Proche de l'idéologie altermondialiste, l'autrice dénonce les excès de notre société de consommation mais remet également en cause les révolutions qui au final accouchent inlassablement des mêmes maux. De l'utopie à la dystopie la frontière est mince. Lutte des classes, corruption, censure et libertés sont au centre du récit. Mais Les Affamés c'est aussi une contestation de cette société hyper-surveillée, hyper-connectée. Et Les Affamés c'est surtout le poids des mots, leur appréciation, leur connotation... 

J'ai eu un peu de mal à me plonger dans cet univers, certains aspects technologiques de ce futur proche m'ont semblé peu crédibles. C'est la faiblesse du récit. Par contre au niveau sociétal, l'immersion est totale. Les discriminations, plus ou moins insidieuses, nous frappent de plein fouet. Et le concept d'Utilité ajoute du crédit au récit, merveilleuse trouvaille qui reflète les travers de notre société actuelle.

J'ai retrouvé dans ce roman, ce que j'avais aimé dans Fortune Cookies, le questionnement sur notre capacité à réagir. Résister ou plier. Et plus exactement comment plier en résistant ou résister en pliant. 

Pour conclure, Silène Edgar avec Les Affamés nous livre une fable écologique et libertaire, un roman engagé, addictif et surprenant qui se lit vite mais qui interroge longuement. 

Et au final chacun y trouvera ce qu'il voudra...


Commentaires

  1. Le côté peu crédible me fait un peu peur, mais le sachant, je peux passer outre. Et des textes libertaires ne courent pas les rues. Merci pour la découverte.

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    1. Je me suis mal exprimé, c'est assez anecdotique, ça ne change rien à l'histoire, c'est juste que de voir des voitures volantes n'apportent rien par exemple. ;-)
      Le propos est ailleurs...

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    2. Je t'avais bien compris, je lisais justement un livre où l'explication scientifique était bancal, mais le reste cool : Hier, les oiseaux.

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    3. Alors si je me suis fait comprendre... :-D

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  2. Cas n°1142 de "la préface aurait dû être une postface". >.<
    Ça apporte des idées de solutions aussi ou c'est surtout là pour questionner ?

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    1. Heureusement que je ne lis jamais les préfaces, préambules et autres... Je me méfie déjà des 4ème de couv' !

      Ca questionne et ca interroge ! Est ce que ca apporte des solutions, je ne suis pas sur que ce soit la bonne question. ;-)

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  3. Inconnue au bataillon, je mets Silène Edgar sur ma liste. Merci de la découverte.

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    1. Je l'avais découverte avec Fortune Cookies que j'avais adoré. Elle a beaucoup écrit de romans jeunesses même si le terme n'est pas adéquate selon elle. ;-)

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    2. Fortune Cookies rentre aussi dans la catégorie "jeunesse" ?

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    3. Young Adult peut être ! Je ne sais pas, les étiquettes c'est le mal ! :-D

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  4. J'avais hésité à le prendre en SP... Ta chronique me fait penser que ce livre pourrait me plaire mais qu'il faudrait trouver le bon moment pour que je le lise.
    Entre les 4e de couv' et les préfaces qui en disent trop, je me demande si les éditeurs n'oublient pas que vendre un livre c'est plaire au lecteur de l'achat jusqu'à la dernière ligne...

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    1. Il est court et se lit vite donc trouvé un créneau est plus facile ;-)

      C'est comme les bandeaux rouges, tout le monde détesté mais ça fait vendre ! La schizophrénie du lecteur...

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  5. Tout comme toi, je lis les préfaces en dernier et rarement les quatrième de couverture avant lecture. Je suis assez curieuse sur l'aspect sociétal ! Et puis, c'est l'avantage des chroniques des blogopotes : c'est de pouvoir identifier des éléments qui pourraient se révéler des inconvénients pour nous... et de mieux passer outre (ici, l'aspect technologique)

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    1. Donc ce livre est pour toi. Une belle analyse de la société d'aujourd'hui et de demain.

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  6. J'ai eu l'occasion d'assister à une conférence des Imaginales qui parlait entre autre de ce livre (de dystopies plus généralement) et ça m'avait donné bien envie de le lire. Ton avis confirme mon envie, je ne crois pas que la faiblesse des aspects technologiques soit un frein pour moi.

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    1. Le propos est ailleur. La faiblesse technologique est accessoire. Bonne lecture.

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  7. En entendant Silène Edgar en parler aux Imaginales j'étais assez intriguée, notamment par sa conception de l'utilité. Tu me confortes dans mon envie de découvrir l'autrice et notamment par ce titre.

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  8. sand oute un poil trop politique pour moi. J'aime davanatge de subtilité.
    J'avais déjà lu un de ces romans, et je n'ai pu l'achever... je n'ai pas envie de réitérer l'expérience.

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  9. C'est sans doute avec ce roman que j'aimerais découvrir la plume de Silène Edgar, une histoire moderne qui place l'écologie en son centre me tente bien.

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    1. Ça se lit tout seul. Certains le trouveront peut être un peu naïf mais c'est une lecture très agréable. A découvrir.

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