Conséquences d'une disparition - Christopher Priest

La vérité par ses conséquences

J'avais noté la sortie de ce nouveau roman de Christopher Priest bien avant sa parution, sans en connaître le sujet. Ces dernières années, l'auteur a publié toute une série de livres autour de son univers L'Archipel du rêve, un univers auquel je n'ai pas du tout adhéré contrairement à ses autres livres plus ou moins anciens. Je ne citerai que l'indispensable Monde Inverti qui fut une révélation et Le Prestige qui m'avait complètement bluffé...

Avec Conséquences d'une disparition, Christopher Priest s'attaque à un monument de notre Histoire récente, les attentats du 11 septembre 2001. Pour tout vous dire, le sujet ne m'attirait pas vraiment et j'ai eu peur que ce roman tourne au conspirationnisme. La chronique de Lorhkan m'a rassuré sur ce point et m'a donné envie de découvrir ce roman.

Le roman s'ouvre sur Le Théorème de Thomas : "Si les hommes définissent des situations comme réelles, alors elles sont réelles dans leurs conséquences".  Théorème Priestien par excellence.

Ce qui frappe dans les premières pages c'est l'écriture immersive de l'auteur, on est happé par l'histoire dès les premiers mots. Benjamin Matson est journaliste, il s'est fait un nom dans le microcosme des publications scientifiques en réalisant une interview d'un célèbre mathématicien. La mort de celui-ci va replonger Ben dans son passé, ses rencontres avec ce scientifique et la disparition tragique de sa petite amie lors des attentats du 11 Septembre...

La structure du récit, sautant d'une époque à une autre, permet de construire un suspense haletant. Chaque période amenant son lot de questions et de réponses (ou de non réponses) et la petite histoire de Ben s'imbrique parfaitement dans l'Histoire du 11 septembre. Christopher Priest construit un immense puzzle et chaque petit morceau trouve sa place, rien n'est laissé au hasard.

Le roman n'a pas grand chose de science-fictif, peut-être une pointe d'anticipation voire d'uchronie quand on voit les conséquences géo-politiques du Brexit au niveau écossais mais cela reste très léger. On navigue entre un thriller, une histoire d'amour et une immense réflexion sur la mémoire, le souvenir. Et la question primordiale : quid de la réalité quand les faits sont flous mais leurs conséquences bien réelles ? Une véritable interrogation Priestienne même si avec ce roman nous sommes loin des écrits habituels de l'auteur.

C'est aussi une vive critique des médias et du traitement de l'actualité. L’auteur nous parle aussi des débuts de l'Internet, de l'information et de la désinformation, des prémices des réseaux sociaux et leurs dérives. Il parle de nous, de notre histoire, de l'évolution rapide de notre monde et de notre responsabilité individuelle. Mais Conséquences d'une disparition est aussi une ode à l'amour, cet amour perdu et l'acceptation de la disparition de l'être aimé. Une réflexion sur le deuil où Christopher Priest nous peint des scènes émouvantes de personnages touchants auxquels il est facile de s'identifier. 

Roman ambitieux, Conséquences d'une disparition s'attaque à un tabou de notre Histoire contemporaine.  Christopher Priest flirte avec les thèses conspirationnistes sans jamais vraiment franchir le pas. Il s'interroge sur la version officielle, la remet en cause en soulignant les nombreuses incohérences. Très documenté, pointu, ce roman a plusieurs niveaux de lecture possible et chacun trouvera ce qu'il est venu y chercher.

Je ne peux que vous conseiller cette lecture. Faites-vous votre propre idée de la vérité et découvrez un roman étonnant !


Commentaires

  1. J'ai lu seulement 2 romans de Christopher Priest dont Le Prestige que j'ai adoré. Il faudrait que je me penche un peu plus sur son œuvre.

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    1. Le Prestige reste pour moi le meilleur. Après je n'ai pas accroché à son univers de l'Archipel du rêve mais ça plait en général !

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  2. Je partage ton avis, même si quelques éléments m'ont un peu chagriné.
    Pour ma part, je considère ce roman comme de la vrai SF : nous sommes en plein dans la soft SF avec un soupçon de hard SF via les maths.
    Et comme chaque roman de Priest, l'envie d'y retourner pour comprendre toutes les subtilités.

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    1. Soft SF à la rigueur mais mettre une étiquette Hard SF, non !!!

      J'attends impatiemment ta chronique pour voir les éléments qui posent problème ;-)

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    2. Soupçon j'ai écrit ;p

      mon avis est en ligne

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    3. J'ai vu, apprécié et commenté ! ;-)

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  3. Ah, cette conclusion me fait peur. Si j'y viens sur la pointe des pieds et guère convaincu, je n'y trouverai donc que des regrets ? =P

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    1. Si tu veux voir du complotisme, tu en verras mais tu n'auras rien compris à la substance du roman.
      Le 11 septembre est le seul événement que tout le monde connait qui permet cette joute intellectuelle.

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  4. Christopher Priest est toujours bluffant ! Faut que je me remette à le lire.

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    1. Ça faisait longtemps que je n'avais pas lu l'auteur et je pense que je vais lire L'adjacent prochainement.

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  5. Comme tu en parles en début de chronique, je me permets de commencer par une question : as-tu découvert La séparation ? C'est justement l'un de ses titres à ne pas tourner autour de l'univers de L'archipel du rêve.
    Tout comme toi, je me demandais ce que Christopher Priest allait "faire" de cette matière concernant les attentats du 11 septembre 2001 sans tomber dans le conspirationnisme. J'ai aimé la structure du récit, les interrogations que l'auteur soulève et les différentes formes de traumatisme qu'il met en forme.

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    1. Non je n'ai pas lu La séparation, ni l'intention de le lire. Ce n'est pas un sujet qui m’intéresse, par contre je vais lire L'adjacent très prochainement.

      Bonne surprise sur ce dernier titre. ;-)

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