Tu sais qui - Jakub Szamalek

 
Petite leçon de cybersécurité

Ce mois-ci est publié aux éditions Métailié La Station, un roman se déroulant dans la Station Spatiale Internationale, quatrième roman de Jakub Szamalek à être traduit en français. Cela m'a rappelé que j'avais le premier volet de sa trilogie du Darknet dans ma liseuse depuis quelques temps.

Varsovie de nos jours, Julita Wojcicka, une journaliste dont les professeurs louaient le potentiel, n'a jamais réussi à percer dans le métier. Elle se contente d'un boulot alimentaire dans un tabloïd en ligne, Meganews, dont l'unique objectif est de générer du clic. Lasse de cette routine, elle rêve encore de se faire un nom grâce à des articles de fond. Lorsqu'un ancien animateur pour enfant, Ryszard Buczek, meurt tragiquement dans un accident de voiture, elle décide d'enquêter. Très vite des menaces arrivent dans sa boite mail, l'exhortant à abandonner ses recherches. Ignorant ces intimidations, elle poursuit son investigation... et voit sa vie basculer.

Bienvenue dans l'ère 2.0, celle de la société du clic, des fake news, du phishing et des autres dangers liés à l'usage quotidien de nos smartphones et ordinateurs. Jakub Szamalek précise en préambule que son roman n'est pas de la science-fiction. En effet, il est cruellement d'actualité, et avec les progrès de l'IA, il est probablement déjà dépassé par la réalité. Tu sais qui fonctionne comme une leçon de cybersécurité grandeur nature, rappelant au lecteur sa propre vulnérabilité.

Cela dit, le roman n'a rien d'exceptionnel sur le plan narratif. La structure est classique, avec une succession d'événements mettant en scène des protagonistes dont les liens ne deviennent apparents qu'au fil de l'intrigue. Le procédé utilisé manque de finesse : les transitions entre les scènes sont abruptes et l'ensemble donne une impression de découpage artificiel comme si les pièces du puzzle étaient jetées sans véritable liant.

Les personnages, quant à eux, sont souvent caricaturaux. Ils manquent de profondeur, et leur évolution semble parfois aller à l'encontre de toute logique. On a l'impression qu'ils ne sont là que pour servir l'intrigue, leurs actions étant dictées par les évènements plutôt que par une véritable psychologie. Ils apparaissent comme les spectateurs de leur propre vie, ce qui limite l'immersion.

Pour ce qui est de l'intrigue, Jakub Szamalek reprend les codes du thriller avec une certaine efficacité mais le résultat reste prévisible. Les rebondissements, souvent improbables, sont cousus de fil blanc. Le roman conviendra à un lectorat en quête de divertissement sans prétention, peu exigeant sur la cohérence des détails.

Faut-il pour autant bouder ce roman ? Non. Tu sais qui aborde un sujet crucial : notre vulnérabilité informatique, qu’il s’agisse des réseaux sociaux ou de notre utilisation quotidienne du web. Il nous met en garde contre nos actions en ligne, aucune n’étant anodine dans un monde virtuel où chaque clic peut avoir des conséquences réelles. Il nous rappelle notre fragilité, notre inattention et surtout notre inaction face à des risques que nous connaissons mal ou que nous ne voulons pas prendre en considération. Le roman explore aussi le darknet, en révélant ses aspects les plus sombres, mais aussi ses paradoxes, comme cette liberté qu’il offre malgré tout. Ces thèmes suffisent à rendre la lecture intéressante, malgré les défauts de construction.

Bien que mal ficelé sur la forme, Tu sais qui reste captivant par son sujet. Jakub Szamalek y aborde des questions qui intriguent, qui passionnent et cela donne envie de poursuivre la lecture de sa trilogie. Si le roman ne révolutionne pas le genre, il a au moins le mérite de nous faire réfléchir sur nos pratiques numériques.




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