Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu'un - Benjamin Stevenson

 

Etre classique sans l'être

Un titre à rallonge et une couverture originale sont deux ingrédients qui attirent l'oeil même si vous savez bien que cela ne suffit pas à faire un bon roman, mais cela vous oblige presque à lire la quatrième de couverture. L'une des règles en matière de littérature (comme partout d'ailleurs) est de se démarquer des autres pour espérer que le lectorat s'intéresse au produit (oui le livre est un produit de consommation comme un autre et rien ne sert de pousser des cris, c'est une réalité !). Nonchalamment, on se précipite sur la quatrième de couverture pour apprendre que Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu'un est un hommage (vous verrez que c'est plus un pastiche qu'un hommage) aux chefs- d'œuvre des romans à énigmes des années 30 et l'on pense tous à Agatha Christie. On découvre que l'auteur, Benjamin Stevenson, est australien, qu'il est également un stand-upper et qu'il a déjà vendu les droits de son livre (par contre cet argument marketing commence à avoir du plomb dans l'aile, beaucoup de droits sont acquis, peu voient la concrétisation et beaucoup auraient mieux fait de ne pas voir le jour... mais je m'égare). Bref, j'ai été happé comme le lecteur beta lambda et je me suis lancé dans ce thriller.

Ernest Cunningham le narrateur du récit, outre le fait d'être un Cunningham et donc d'avoir déjà tué quelqu'un comme tous les membres de sa famille, est un écrivain non pas de romans mais un écrivain conseil qui publie des manuels du genre Comment écrire un roman policier en dix étapes. Ce qui fera dire à l'un des protagonistes du livre : "Vous écrivez des livres sur la manière d'écrire des livres que vous n'avez vous-même jamais écrits, achetés par des gens qui n'en écriront pas davantage". Cette citation résume parfaitement le ton du roman : humour et autodérision.

Nous retrouvons donc Ernest Cunnighman lors d'une réunion de famille où il doit impérativement être présent. Il ne veut pas y aller mais l'obligation est vraiment absolue (je vous laisse la découvrir !) Ce week-end se déroule au coeur des montagnes australiennes au beau milieu de l'hiver où toute la famille va se retrouver coincée après une tempête de neige. Tous les ingrédients d'un huis-clos se mettent en place, il ne manque que la découverte d'un meurtre pour plonger en pleine atmosphère Christienne. De ce côté-là, Benjamin Stevenson n'a pas fait dans la surprise, un corps sans vie est vite découvert. Ernest, qui connait bien les codes du roman policier et nous le rappelle constamment - en nous interpellant tout le long du roman, brisant allègrement le quatrième mur et allant jusqu'à nous dire dès le début de son histoire à quelles pages il y aura des morts dans le récit - s'improvise détective. Il faut dire que le passé des membres de sa famille fait d'eux de parfaits suspects.

Benjamin Stevenson avec Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu'un nous propose une parodie des romans à énigmes mais digne de ceux-là. Il nous explique tout le long du roman qu'il faut faire attention à tous les détails, à certains plus qu'à d'autres, à tous les personnages et à toutes les coïncidences qui n'en sont pas pour au final nous délivrer une intrigue maline, drôle et véritablement bien faite. Tout se tient, tout semble cohérent (une deuxième lecture serait nécessaire pour détecter les possibles invraisemblances) et tout est original. L'auteur arrive à faire du très classique tout en ne l'étant jamais. Un très bon moment de lecture très plaisant.

A noter que sortira en VO, à la fin de l'année, une nouvelle aventure d'Ernest Cunnigham : Everyone On This Train Is A Suspect. Le titre parle de lui-même et je me ferai un plaisir de lire ce second opus quand il sera traduit.